Into Norwide

Début septembre, je suis partie dans un chenil perdu en pleine forêt finlandaise, à quelques kilomètres de la frontière russe, dans la région de Hossa. J’y ai vécu la plus belle aventure de ma vie et je vais tenter de vous en faire part.

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Jour 1 – 7 septembre 2016

8 heures – Aéroport Paris Charles de Gaulle. L’avion décolle et me voilà partie seule à l’aventure. Enfin cela devient réel. Je reste collée au hublot pendant mes deux vols. Le spectacle que m’offrent les nuages m’émerveille. Il y a un autre monde au-dessus de nous.

C’est, principalement, l’album Animal de Fakear qui a rythmé mes heures de vol.

C’est la première fois que je ressens ce genre de choses : une extrême liberté et légèreté. Je souris naïvement en regardant par le hublot. Je me retiens même de verser quelques larmes – car c’est beau, et que je sais que je ne serais pas en train de vivre cette expérience sans Gilles. J’aurais aimé qu’il voie ce que je vois.

Arrivée à Kuusamo, un petit aéroport perdu parmi des milliers de sapins. Les deux garçons que j’avais repérés dans la salle d’embarquement de Paris sont aussi arrivés à Kuusamo. Ils se dirigent vers moi et ce sont bien eux qui vont travailler avec moi sur le chenil. Nous prenons la route. Et là, je sais que j’y suis. Cette interminable route bordée de sapins et autres bouleaux. Peu de voitures, beaucoup de rennes. Enfin, je suis loin de toute préoccupation.

Arrivée au chenil, je me retrouve face à 160 chiens. J’y suis encore plus. Pendant des mois je disais aux gens que j’allais travailler dans un élevage de chiens de traîneau (phrase à laquelle beaucoup de personnes m’ont ri au nez d’ailleurs), mais là c’est devenu réalité. Je suis là, paumée au cœur de la forêt finlandaise, et je vais vivre 24h/24 avec ces chiens. Un cauchemar pour certains, le rêve pour moi. Je fais le tour du chenil, je caresse les chiens. Certains ressemblent véritablement à des loups. Demain, les choses sérieuses commencent.

Voici, en partie, ce que j’ai écrit dans mon carnet de voyage pour cette première journée : j’y ai écrit tous les jours pendant 33 jours. Pour le reste du séjour, je vais tenter de le résumer à travers ce que j’ai pu faire, voir, ressentir.

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Je suis partie en Finlande en tant que wwoofeuse – c’est-à-dire que j’ai travaillé bénévolement dans un chenil en échange d’un toit et de nourriture. Je travaillais une journée sur deux. Pendant mes journées de travail, je m’occupais des chiens et de l’entretien du chenil. Entre vernissage de traîneaux, fabrication de niches, écorçage de troncs, renforcement d’enclos, attelage de chiens, je ne m’ennuyais pas.

J’ai vu le temps passer paisiblement en Finlande ; et en même temps, c’est passé à une vitesse folle. Je me suis sentie utile là-bas, et c’est gratifiant de se lever chaque matin en sachant qu’on va vraiment servir à quelque chose. Je n’ai rien fait d’abstrait pendant un mois, j’étais en plein dans le concret ; je touchais du bois, des êtres vivants, je marchais dans des crottes de chiens et de la boue, j’ai même été traînée sur quelques mètres de gravier par un chien surexcité d’aller courir et encore plein d’autres choses.

Mais c’était un rêve. Mon rêve.

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Je n’avais tellement pas envie de quitter cet endroit. Il me manquait avant même que je ne le quitte. Si j’avais pu rester encore quelques mois.

Ceux qui ont été le plus difficile à quitter n’étaient pas les personnes avec lesquelles je vivais (même si mes rencontres humaines ont été formidables et enrichissantes), mais les chiens. C’est étonnant de voir à quel point ces boules de poils sont plus douces et attentives que certains êtres humains.

Souvent, j’aimais plonger mon regard dans le leur et je m’y perdais totalement – j’étais même parfois mal à l’aise (dans le sens positif du terme) tellement j’avais l’impression qu’ils lisaient en moi, qu’ils me comprenaient. Vous me prenez peut-être pour une folle mais c’est ce que j’ai ressenti en me noyant dans le regard de Tontu, ou dans celui de Kiwi ou encore dans les yeux du majestueux Aztek ; et même dans les yeux de l’énorme Kublay qui était un peu le chien benêt du chenil, mais tellement attachant.

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Pendant mes jours de repos, je me baladais. Le soleil m’a souvent accompagnée pendant mes excursions. Parfois, je prenais une voiture afin de m’aventurer un peu plus loin du chenil, et occasionnellement un chien. Mais la plupart du temps, j’étais seule.

J’ai adoré me perdre en forêt, écouter le bruit de l’eau de la rivière qui s’écoule pour me repérer, marcher trois heures au bord de cette interminable route déserte, m’asseoir sur ce rocher ou sur ce tronc d’arbre et écouter le silence. Pendant un mois, c’était ça. Il ne se passait rien. Juste le silence et moi. C’est ça qui est fascinant.

Nous vivons dans un monde où il faut constamment qu’il se passe quelque chose, sinon on s’ennuie. Mais là, j’ai vraiment appris à profiter de ces instants privilégiés, de l’utilité et des bienfaits du calme et de la solitude. Avant de partir, j’avais toujours mon ordinateur allumé pour m’occuper avec des vidéos, des articles ou encore Facebook… Ah Facebook ! Pendant ce mois en Finlande, j’ai désactivé mon compte personnel. Et quel bien cela m’a fait ! (même si certains amis ont cru que j’avais disparu de la surface de la Terre juste parce que j’étais partie de Facebook…) Ne plus voir tous ces trucs inutiles que les gens partagent, aiment ou commentent. Aujourd’hui, je vais l’activer seulement dans les moments où je devrais publier mes articles. J’ai vécu sans internet pendant un mois et ça m’a vraiment fait du bien.

Là-bas, j’ai réussi à m’occuper autrement, à profiter de ces moments pour me retrouver moi-même. Là-bas, j’ai vraiment senti que je vivais. Je me suis sentie vivre. Je me rappelais ce message de mon meilleur ami me disant d’écouter Dancing in the moonlight de Alt-J, de courir jusqu’à ce que je n’en puisse plus, et d’écouter ma respiration. C’est ce que j’ai fait au bord de cette route.

Rien ni personne ne me manquait. Avant de partir, je pensais qu’en voyant ou en faisant certaines choses, j’allais me dire « Oh, j’aimerais tant que un tel / une telle soit avec moi ! » Mais sincèrement, je ne l’ai jamais pensé. Je ne sais pas si cette réaction est cruelle envers mes proches ou juste humaine, mais en tout cas, c’est la vérité. J’étais bien ici, toute seule, enroulée dans ma couverture à observer les aurores boréales, à rouler des kilomètres la musique à fond, à me purifier le corps et l’esprit en faisant des saunas, à observer cette pleine lune à la lueur d’un feu, à pleurer face à des paysages que jamais je n’avais vus, à voir ces chiens courir avec passion, à marcher autour de magnifiques lacs, à savourer le moindre cri de meute que les chiens m’offraient. J’étais bien.

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Ce voyage a été à la fois bénéfique et révélateur pour moi. Bénéfique car il est arrivé à un moment où tout commençait à s’effondrer dans ma vie. Révélateur car comme beaucoup de personnes je répétais que je voulais passer ma vie à voyager, que les voyages c’est la vie etc, mais je n’avais jamais osé le faire – alors qu’en soi, acheter un billet de train / avion / bus est simple et c’est le monde qui nous ouvre ses bras.

Et je suis maintenant fière de l’avoir fait. Au moins je sais que même seule, j’en suis capable. Et cela me motive à aller encore plus loin et à partir encore plus longtemps. Certains me trouveront peut-être ridicule car il s’agissait juste d’un mois au cœur de la forêt finlandaise ; mais, pour ma part, c’est la première fois que je partais seule aussi loin et dans un environnement aussi différent du mien. Et ça a été la plus belle expérience de ma vie. Elle m’a rendue encore plus autonome, indépendante et solitaire. Et ces trois adjectifs sont, selon moi, des qualités qui contribueront à me rendre encore plus forte.

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Avant que je parte, beaucoup riait quand je leur disais « À la rentrée ? Je pars élever des chiens de traîneaux en Finlande ». Ils riaient car nous sommes nombreux à avoir un jour pensé, ou dit, qu’on rêverait de s’exiler dans les montagnes et d’élever des alpagas ou autres lamas.

Mais là, c’était bien réel.

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J’ai aussi fait de belles rencontres – des personnes aux horizons différents, mais qui partageaient des visions sur la vie similaires aux miennes.

Maintenant, je sais que j’ai envie, et surtout besoin, de fuir cette France qui m’oppresse et de découvrir le monde. Maintenant, je sais que la vie que j’imagine pour moi est possible et réalisable.

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Je n’ai vu qu’une seule fois des aurores boréales. Comme chaque soir, je me couchais en jetant un dernier coup d’œil par la fenêtre, juste au cas où. Et là, je ne rêvais pas. Il s’agissait bien d’aurora borealis ! Je me saisis de mon appareil photo afin d’essayer d’avoir un souvenir matériel de ce moment. Je savais que c’était une chose compliquée mais je voulais immortaliser cet instant – d’où la qualité quelque peu médiocre de ma photo…

Je m’enroule dans ma couverture, je sors de la tanière (nom de notre maison) et je regarde, seule, ce spectacle alors inédit pour moi. C’était fascinant.

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J’ai réalisé une vidéo sur mon mois passé en Finlande. Cette vidéo retranscrit parfaitement l’ambiance qui régnait et l’état d’esprit dans lequel je me trouvais. Certains de mes amis et connaissances ont trouvé que de nombreux plans étaient trop longs ou qu’il « ne se passait rien ». Mais en fait, c’est ça, il ne se passait rien. C’est ce que j’ai essayé d’illustrer au mieux – que ce soit à travers mes photographies ou ma vidéo. Il ne se passait rien. Il y avait juste le silence. Rien ne pouvait m’arriver, ni même m’atteindre.

J’ai beaucoup déambulé seule, en pleine forêt ou au bord des routes, et ce, sans jamais craindre quoi que ce soit. Je me souvenais de la voix de ma mère me disant de faire attention – mais à quoi ? Ici, j’ai enfin pu vivre sans faire attention à quoi que ce soit. J’ai enfin pu me contenter de vivre pleinement. Je me suis enfin sentie légère, pour la première fois depuis de nombreux mois – voire pour la première fois de ma vie, réellement.

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C’est pour cela, donc, que ma vidéo comporte de nombreux plans fixes. C’est ce qui se rapprochait le plus de la réalité de mon séjour: une perpétuelle contemplation.

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J’étais vraiment triste de revenir en France. Mon premier vol qui allait de Kuusamo à Helsinki, je l’ai passé en larmes.

Mais, s’il y a une chose qui m’a réconfortée à mon arrivée à l’aéroport de Paris, c’est bien le moment où j’ai vu le visage de ma mère s’illuminer lorsqu’elle m’a aperçue.

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J’espère que le récit de mon aventure finlandaise et les photos qui l’accompagnent vous auront plu, voire fait voyager. En attendant un prochain voyage, je vous laisse avec le lien de ma vidéo et une liste des musiques qui ont rythmé mon séjour.

with love,
girafada

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Playlist : Fakear , La Femme , Ed O.G. & Da Bulldogs , Roosevelt , Casseurs Flowters , Mac Demarco , Flume , Chinese Man , Caribou , Beach House .

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