Cœur bleu

«et même si tu n’obtiens pas le concours, je suis toujours partant pour construire une maison près d’une falaise, élever des chèvres et cætera.»

Ce sont ces mots inscrits sur une carte postale de mon meilleur ami qui ont guidé ma décision de quitter la campagne picarde et de partir vivre un an en Bretagne, les pieds dans l’eau, pour effectuer ma troisième année en classe préparatoire littéraire. C’était une manière pour moi d’initier notre rêve commun.

C’est ainsi qu’en août 2014, je débarquai dans la ville de Saint-Brieuc, dans les Côtes-d’Armor. Cinq amis décident de venir passer trois jours de crémaillère dans mon appartement breton. C’était un excellent séjour, mon appartement prenait enfin vie: c’était une belle parenthèse dans le temps. Les plus doux souvenirs que j’ai de leur venue sont notre longue journée passée sur la plage autour d’un grand pique-nique, et le matin où nous avions été au marché tels une famille en vacances. C’était une merveilleuse pendaison de crémaillère.

Crédits: Guillet Raphaël

Crédits: Guillet Raphaël

Crédits: Magdelaine Quentin

L’année scolaire commence. C’est la première fois de ma vie que je fais une rentrée en ne connaissant personne, ni les lieux. J’arrive dans ma classe, et une fille se présente directement à moi, en mentionnant mon prénom – elle savait que je faisais ma rentrée dans sa classe, via une amie d’ami. Elle fut la plus belle rencontre de mon année, mon pilier pendant cette difficile année – même s’il y a toujours eu une certaine pudeur et respect au sein de notre relation; heureusement qu’elle a été là.

Crédits: Cottin Damien

L’année se poursuit et c’est Noël qui pointe le bout de son sapin. Comme chaque année, depuis une dizaine d’années, je fête Noël en compagnie de ma mère et de mon frère – notre tradition: manger une fondue bourguignonne puis regarder un bêtisier avant d’aller nous coucher. J’ai eu l’idée de proposer à ma mère de le fêter cette année en Bretagne – j’avais mon appartement et comme nous étions trois à dépendre de personne, autant en profiter et changer d’environnement pour l’occasion. Le réveillon fut doux et enjoué. Le 25 décembre, nous décidons d’aller voir la mer. Il faisait extrêmement froid. Nous prenons le temps de prendre quelques photos, d’admirer cette grande plage en hiver et nous repartons.

 

Le mois de janvier touche bientôt à sa fin et c’est la personne qui compte le plus pour moi qui décide de réapparaître dans ma vie, après quelques mois de silence. Mon meilleur ami et âme sœur, Gilles. Nous nous retrouvons en février et décidons de partir pour la Bretagne ensemble – ce fut notre dernier voyage tous les deux. Comme à notre habitude, nous faisons les nombreuses heures de route en musique, en «papouilles» et en discussions légères ou existentielles. Vers 23 heures, alors que nous sommes encore sur l’autoroute, nous traversons une pluie de grêle – c’est un tableau psychédélique qui s’offre à nos yeux, un tableau blanc en mouvement qui nous empêche de voir devant nous. La lune, notre fascination commune, fait la route avec nous.

 

Nous nous sommes réservés une journée entière pour barouder le long de la côte bretonne. Nous commençons par passer un moment sur la plage des Rosaires – Gilles voulait absolument se baigner, alors que nous étions à la fin du mois de février et qu’il faisait extrêmement froid. Il se lance, et j’entends au loin, un immense cri que le vent – alors qu’il souffle fort – ne parvient même pas à couvrir. L’eau était plus que glacée. Nous continuons notre journée au Cap Fréhel. Nous arrivons là-bas, faisons une excursion dans les rochers – nous y faisons une petite séance photo: Gilles, torse nu, plusieurs tatouages le long de la colonne vertébrale, face à la mer. La lumière était magnifique. C’était une magnifique journée. Une semaine inoubliable.

Je le quitte sur le quai de la gare de Saint-Brieuc: ces quais de gare, l’endroit où nous adorions nous retrouver.

 

C’est le mois de mai qui débute et avec lui la fin des concours et bientôt celle de la prépa. Un ami, Damien, vient passer une semaine chez moi afin de profiter de mon temps libre retrouvé. Nous passons la journée du 7 mai sur la plage des Rosaires. Nous en profitons, comme à notre habitude, pour nous photographier mutuellement, tout comme le paysage.

C’était une magnifique journée en sa compagnie. Et le soir, je perdais l’amour de ma vie, Gilles.

Le mois de juin fut étrangement doux et ensoleillé. J’ai accueilli une de mes meilleures amies pour quelques jours, j’ai passé d’excellents moments avec mes camarades et amis bretons, et j’ai finalement accueilli ma petite famille pour faire mon déménagement.

La fin des cours et de la prépa s’annonce pour moi et c’est le cœur serré et l’esprit libéré que je clôture cette partie de ma vie. C’est à partir de ce moment qu’on a vraiment pu passer de bons moments, libérés de tout stress, avec mes amis de Bretagne. Un de mes souvenirs préférés avec eux, c’est cet après-midi passé à Martin plage, à parler, rire, jouer aux cartes, mettre les pieds dans l’eau, se reposer au soleil, profiter réellement.

Crédits: Lecourt Sarah

J’ai aussi passé de très bons moments avec ma douce amie, Éléonore. Nous avons bien gambadé le long des côtes bretonnes, à rouler à l’aveugle en espérant tomber sur des petits coins de paradis. Ce fut le cas lorsque nous sommes tombées sur la pointe des Roseliers. L’endroit était si paisible, et c’est l’horizon dans toute son immensité qui s’offrait à nous.

 

Nous clôturons son séjour par un pique-nique sur la plage des Rosaires avant qu’elle aille prendre son train pour Paris.

 

Crédits: Caron Eléonore

 

La dernière fois que j’ai mis les pieds en Bretagne, c’était pour mon déménagement à la fin du mois de juin 2015. Je me revois poser mes yeux pour la dernière fois sur chaque pièce de mon appartement en repensant à tout ce qu’il s’était passé ici. Je repense à tous les rires qu’il y a pu avoir entre ces quatre murs. Aux pleurs. Aux danses. Aux découragements. Aux rêveries. À eux. À lui.

Une dernière journée sur les plages des alentours de Saint-Brieuc et nous voilà repartis à destination de la Picardie.

C’était une année extrêmement déconcertante. Très riche et perturbante – plus que tout ce que j’avais pu imaginer. J’ai beaucoup grandi pendant cette année. J’ai appris que ce n’est pas en réussissant dans les études ou à des concours qu’on gagne sa vie et qu’on est heureux. Personnellement, j’ai réalisé que je ne voulais pas perdre ma vie en tentant continuellement de la gagner.

Je vais donc tenter de survivre jusqu’à ce que je parvienne enfin à construire cette maison en bord de mer, ou ce chalet dans les montagnes. En attendant, vive les mouettes.